Nous sommes en 1918, la fin de la première mondiale a grandement contribué à la propagation du virus de la grippe espagnole. Le virus tuera environ 55 000 personnes au Canada, majoritairement des jeunes adultes entre 20 et 40 ans. La première vague fut au printemps 1918, puis à l’automne 1918 une mutation du virus devint extrêmement virulent et mortel. C’est cette deuxième vague qui causa 90% des décès[1]. Au moment où j’écris ces lignes, nous n’avons pas de moyen de savoir combien de temps durera l’épidémie actuelle et combien de temps notre mode vie « normal » sera confiné.
Tout comme en 1918, le hockey est arrêté, les écoles et les églises sont fermées et les rassemblements sont interdits. Néanmoins, au contraire d’aujourd’hui, ce confinement sera complètement différent : Pas d’internet, pas de visio-conférence, pas de louange ou de service à distance, pas même de télévision. Pas de transfert d’information facile entre les pays, pas de nouvelles 24 heures sur 24 heures (bien qu’il y avait des bulletins à la radio). Au niveau de la consommation, il n’y avait pas de Walmart ni de méga-épicerie. La première épicerie (à libre-service) comme nous les connaissons voit le jour à Chicago en 1926. La télévision arrivera au Canada au début des années 1950. Moins de 7000 téléviseurs sont répertoriés en 1952 à Montréal ! Il faudra attendre un peu plus de 40 ans avant que l’internet se démocratise à la fin des années 1990.
Nous avons parfois de la difficulté à imaginer combien la vie était différente à d’autre époque ou combien elle est bien différente dans beaucoup de pays du monde encore aujourd’hui. Un mème internet écrivait à la blague : « Et juste comme cela, nous sommes tous devenus des télé-évangélistes » ! La capacité vidéo et technologique que nous avons : vidéo, streaming, messagerie instantanée et connectivité mur-à-mur est tout simplement formidable. Cela permet autant au pasteur dans son salon de partager des messages que la création d’émission de qualité studio par de plus grandes églises.
Beaucoup d’églises et de pasteurs ont su innover dans les dernières semaines et augmenter rapidement leur niveau de compétence technologique. Il est fort probable que la pandémie et le confinement soit d’un ordre de mois et non seulement de semaines. Jusqu’à maintenant, la nouveauté de la chose et la surprise du changement de vie nous ont mené à considérer que cette crise ne durerait que quelques semaines. La question doit se poser : quelle seront nos stratégies pédagogiques globales pour vivre et être l’église en ce temps de pandémie ? En temps normal, les stratégies pédagogiques globales contiennent les chants, la prédication, l’école du dimanche pour adultes et l’école du dimanche pour enfants, nos rencontres d’études bibliques, notre formation de disciple individuelles, nos cours et nos interactions les uns avec les autres. (Vous pouvez lire mon article sur la question ici). J’aimerais vous lancer quelques idées sur les changements au rôle pastoral pendant cette pandémie.
1) Le pasteur comme diffuseur de contenu ?
J’aimerais vous suggérer que le rôle du pasteur n’est pas, en premier lieu, de devenir un diffuseur de contenu sur les médias sociaux et ce, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, toutes les églises ont déjà des centaines d’heures de prédication qu’elles ne revisitent jamais ou rarement. Une des forces de mon prédicateur favori, Chuck Swindoll et de son ministère Insights for Living est de repackager ses meilleures prédications ou séries pour un public plus large. Certainement que vous possédez déjà en mp3 plusieurs prédications ou séries qui seraient utiles pour vos gens.
Même en temps normal, cette mine de prédication pourrait être un outil utile pour votre formation de disciple dans l’église. Il y a de bonnes chances que beaucoup de gens n’ont pas entendu toutes vos prédications (parce qu’ils se sont joints après, ou parce qu’ils se sont endormis pendant !). Vous pourriez avoir sur le site web de votre église une série de prédications qui adresse les sujets fondamentaux de la foi chrétienne mais aussi des défis de la vie contemporaine. Écouter un package d’entre-elles pourraient même devenir des étapes dans votre parcours de formation de disciples.
Deuxièmement, même en français, il y a plusieurs prédicateurs qui se démarquent dans la francophonie en apportant un solide apport biblique. Il n’y a pas de mal à proposer à vos membres de suivre les prédications de d’autres sources. Vos membres préfèreront (et vous aussi) probablement savoir que ce qu’ils écoutent est juste bibliquement plutôt que de se servir dans le buffet sans discernement. Les pasteurs ont parfois peur que des gens quitteront leur église pour aller dans celle de ces autres prédicateurs. Peut-être. Mais la réalité c’est que l’église est bien plus que le prédicateur. Cette pandémie le prouve : l’église est une famille qui est contente de se réunir ensemble. Je vois certaines petites églises qui ont une vie communautaire active sur le web même s’ils n’ont pas un « calibre professionnel » ni à la louange ni à la prédication. En terminant ce point, il n’est pas mal de diffuser du nouveau contenu à chaque semaine (ou plusieurs fois par semaine). Je souligne seulement que ce n’est pas là la première tâche du pasteur. On peut certainement réchauffer les restants ou faire venir du take-out ?
2) Prendre soin du troupeau
J’aimerais commencer ce point en faisant une confession : le téléphone est la bête noire de mon ministère. Je n’aime pas le téléphone (ça remonte à un traumatisme lié à ma « carrière » dans le télémarketing). Je préfère de loin le texto, le courriel, la vidéo-conférence mais… il n’y a rien comme le téléphone et parler aux gens… et ce, même en temps normal. On pense que parce qu’on a affiché quelque chose dans le bulletin de la semaine ou sur notre page facebook que les gens sont maintenant au courant : « You have been served ! » (en bon québécois : bon, ma job est faite !). La réalité c’est que les gens ont besoin d’être encouragé pour participer. Dans notre contexte de pandémie, plusieurs auront besoin d’être encouragé personnellement à participer à vos « zooms ». D’autant plus que le coup de téléphone vous permettra de voir comment les gens vont et comment vous pouvez prier pour eux. Vous êtes plusieurs pasteurs ou leaders de petits groupes, super ! Vous pourrez faire le tour plus rapidement. Le contact humain et le contact pastoral est particulièrement important. Le berger connait ses brebis. Si vous êtes dans une église plus grande, il est parfois plus difficile pour le pasteur de connaître tout le monde. Votre tâche, dans ce cas, est de vous assurer que tout le monde est desservi pastoralement. Que personne ne soit laissé derrière !
3) Écouter les directives de la santé publique et être prêt à servir et encourager à servir dans la communauté
Luther, lors de la peste noire au 16ème siècle écrivait : « Je demanderai à Dieu par miséricorde de nous protéger. Ensuite, je vais enfumer, pour aider à purifier l’air, donner des médicaments et les prendre. J’éviterai les lieux, et les personnes, où ma présence n’est pas nécessaire pour ne pas être contaminé et aussi infliger et affecter les autres, pour ne pas causer leur mort par suite de ma négligence. Si Dieu veut me prendre, il me trouvera sûrement et j’aurai fait ce qu’il attendait de moi, sans être responsable ni de ma propre mort ni de la mort des autres. Si mon voisin a besoin de moi, je n’éviterai ni lieu ni personne, mais j’irai librement comme indiqué ci-dessus. Voyez, c’est une telle foi qui craint Dieu parce qu’elle n’est ni impétueuse ni téméraire et ne tente pas Dieu[2].” Notons néanmoins que l’église est immensément moins présente dans notre contexte que lors de la grippe espagnole de 1918-1919. Une des raisons : l’église dirigeait alors les écoles et les hôpitaux. Il y une place pour réfléchir comment avoir un impact dans la société. Ensemble.
4) Brillez et pointez vers Jésus
Dans les temps de crise, les gens ont besoin de s’identifier à leur leader. On le voit de façon puissante dans le cas de monsieur Legault et du docteur Arruda. Peu importe leur allégeance politique, les gens fixent les yeux sur le capitaine de la barque et celui-ci inspire la confiance. Par contre, le docteur Arruda l’a bien dit : « Je ne suis pas le bon dieu, je ne peux pas faire de garantie ! ». Les chrétiens ont besoin d’entendre et de voir leurs dirigeants d’église avec un message biblique solide.
[1] Source: Œuvres de Luther Volume 43 p. 132 la lettre “Que l’on puisse fuir une peste mortelle” écrite au révérend Dr. John Hess.
[2] Source : The Spanish Flu in Canada (1918-1920) https://www.pc.gc.ca/en/culture/clmhc-hsmbc/res/doc/information-backgrounder/espagnole-spanish